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Le Toulouse dominicain
C'est dans le contexte de la lutte contre l'hérésie cathare qui avait pris pied dans la région que se situe l'action de Dominique de Guzmán (1170-1221) sur les terres des comtes de Toulouse. Fondateur de l'Ordre des frères prêcheurs appelés couramment « dominicains », il est célébré sous le nom de saint Dominique.
Le succès du catharisme reposait surtout sur des faiblesses morales de l'Eglise catholique, notamment sa richesse affichée et ses pratiques douteuses tel que le commerce des indulgences qui s'était transformé peu à peu en affaire fort lucrative pour l'Eglise (pour faire court : les riches pouvaient racheter leurs péchés par de l'argent plutôt que par un acte de piété). On retrouve là les mêmes éléments qui feront quelques siècles plus tard le succès du protestantisme.
Rompant avec ces pratiques de l'Eglise et ayant fait vœu de pauvreté, Dominique de Guzmán sillonna le Languedoc dès 1205 pour ramener les hérétiques vers la "vraie foi" par la seule persuasion.
En 1215 il s'établit à Toulouse et s'attacha des disciples qu'il installa dans la maison de l'un d'eux, Pierre Seilhan. Avec le soutien de Foulques, évêque de Toulouse, il se mit à prêcher en ville. En 1216 il partit à Rome avec Foulques pour faire reconnaître son ordre par le pape, il finit ensuite ses jours à Bologne.
A l'instar des franciscains, l'ordre de saint François qui œuvrait à la même époque en Italie selon les mêmes préceptes, les dominicains connurent un succès fulgurant en Europe et installèrent leurs couvents dans les grandes villes.
J'aborderai ici les lieux principaux des dominicains dans Toulouse par ordre chronologique.
C'est dans cette maison de Pierre Seilhan, adossée à un pan de la muraille romaine dont on peut voir la tranche, que l'on retrouve de nos jours la "chambre de Saint Dominique", considérée par les dominicains comme le lieu de naissance de leur ordre :
Si on était en Italie je ne vous dis pas la publicité dont bénéficierait un lieu d'une telle importance symbolique. A Toulouse on a droit à... une plaque.
La chambre de saint Dominique :
Vers 1229 les dominicains quittèrent la rue Saint Rome où était leur premier lieu de culte (non conservé) pour fonder le couvent que l'on peut voir actuellement, appelé Couvent des Jacobins. De dimensions plus modestes au départ, les nombreux dons que lui valurent le succès des dominicains permirent son agrandissement progressif jusqu'à obtenir le bâtiment actuel vers 1341. Il est de style gothique méridional (ou gothique languedocien), une variante locale et originale du gothique qui associait la brique à un aspect extérieur sobre et austère propre à convaincre la population que le clergé méridional avait coupé avec les pratiques décriées de l'Eglise.
L'intérieur, quoique également dépouillé, donne une toute autre impression avec ses deux nefs séparées par les colonnes les plus hautes de l'architecture gothique : 22 mètres de haut pour soutenir une voûte à 28 mètres. Il existe dans l'architecture gothique nombre de voûtes bien plus hautes, mais pas de telles colonnes.
Les murs et le plafond sont en brique recouverte d'un faux appareil de pierre. Seules les colonnes sont en pierre.
La solution technique pour réunir les voûtes des deux nefs en une seule a donné naissance à ce "palmier" unique au monde, daté de la fin du 13ème siècle. Son génial architecte nous reste inconnu, au Moyen âge on ne faisait pas de ceux-ci des "stars" comme à la Renaissance !
En 1369 le pape Urbain V attribua au couvent de Toulouse les reliques de saint Thomas d'Aquin, théologien dominicain célèbre considéré comme le plus grand penseur du Moyen âge. Les sources disent que c'est parce que l'église de Toulouse était la plus belle des églises dominicaines. Peut-être s'agissait-il aussi d'honorer la ville berceau de cet ordre, qui n'avait pu obtenir les reliques de saint Dominique lui-même, conservées à Bologne.
Il fut un temps où le mausolée de Thomas d'Aquin était grandiose et faisait plus de 19 mètres de haut. Démantelé à la Révolution, il a été remplacé par cette châsse bien modeste en comparaison dans laquelle sont conservés les ossements de Thomas d'Aquin.
Le cloître :
La salle capitulaire :
La chapelle Saint-Antonin et ses peintures illustrant l'Apocalypse et la vie de Saint-Antonin :
Le réfectoire, un des plus grands de cette époque avec ses 60 mètres de long :
Le clocher :
De la Révolution à 1970, soit pendant presque deux siècles, les reliques de Thomas d'Aquin furent déplacées à la basilique Saint Sernin, à quelques centaines de mètres des Jacobins. On y trouve donc une chapelle dont le sol a été décoré des initiales du saint : ST pour saint Thomas. Tiens, ce logo rappellera peut-être quelque chose aux amateurs de rugby :
Dernière modification par Pistolero (15-01-2018 11:02:28)
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La maison Seilhan devint plus tard le siège local de l'Inquisition, une institution créée dans la région à l'occasion de l'éradication du catharisme. Les principes de l'Inquisition furent posés lors du concile de Toulouse de 1229 qui suivait la victoire du roi de France et du pape dans la "croisade des Albigeois".
Au XVIIème siècle le peintre dominicain Balthazar-Thomas Moncornet peignit dans une chapelle attenante, appelée Chapelle de l'Inquisition, un plafond à caissons retraçant l'itinéraire moral de Saint Dominique en 15 tableaux que nous allons détailler.
1 - Le baptême de Dominique. Dominique Guzman, né à Caleruega, en Castille, grandit dans un catholicisme de conquête (Reconquista). Sous la forme d'une colombe, le Saint-Esprit veille sur lui :
2 - Un signe de vocation. Enfant, Dominique quitte son lit pour dormir à la dure, des abeilles (symbole de sagesse) voltigent autour de sa bouche, signes d'une vie austère consacrée à la prédication. On retrouve donc les signes prémonitoires de l'ordre religieux mendiant que formeront les dominicains :
3 - La miséricorde de Dominique. Dominique vend ses livres, pourtant indispensables à ses études, pour donner l'aumône aux pauvres. Il est représenté en chevalier car, alors étudiant, il n'était pas encore clerc. La vente est représentée au premier plan et le don aux pauvres au second plan :
4 - Le retour à l'Evangile. L'hérésie cathare prêche par l'exemple la frugalité et l'austérité, contrairement au clergé catholique qui mène souvent grand train et se compromet avec le pouvoir et la richesse. Dominique veut mener une vie pauvre et exemplaire pour annoncer le Royaume de Dieu et contrecarrer le succès du catharisme dans la région de Toulouse. Lui et ses adeptes vont pieds nus dans la précarité et la pauvreté :
5 - la prière du Rosaire. Retiré dans la forêt de Bouconne, près de Toulouse, pour prier, Dominique reçoit le rosaire des mains de la Vierge pour convertir les populations. Dans ce panneau apparaît un emblème des dominicains : un chien portant une torche. Depuis le haut Moyen-Age les prédicateurs sont comparés aux chiens, chargés de guider le troupeau et de le protéger des bêtes féroces, les hérésies étant souvent représentées par des renards ou des loups. Le chien porte en sa gueule une flamme, pour signifier l'ardeur de la charité et la lumière de la vérité :
6 - Institution de l'ordre des Prêcheurs. Le pape Honorius III reconnaît l'ordre des prêcheurs en 1216, après le concile de Latran :
7 - La vocation apostolique. Les saints Pierre et Paul donnent un bâton à Dominique et lui enjoignent : "Va et prêche". Les frères partent à travers le monde et leur ordre connaît un grand essor :
8 - Protection de la Vierge Marie, de Catherine, patronne des philosophes, et de Cécile, patronne de la liturgie :
9 - Une intervention miraculeuse. D'un signe de croix, Dominique écarte une inondation torrentielle :
10 - La prière de Dominique. Dominique est représenté tenté par le démon, qui cherche à interrompre sa prière :
11 - Une guérison. Par sa prière, Dominique guérit un architecte victime d'une chute. Ce miracle réfute le catharisme qui méprise le corps, car l'attention de Dominique se porte à la totalité de l'homme et pas seulement au salut de son âme :
12 - Une guérison à Rome. Une autre guérison miraculeuse où Dominique ramène à la vie un adolescent (ou un enfant ?) tombé de cheval :
13 - Pureté de Dominique. Dominique se donne la discipline, outre le chien porteur de la torche, on peut voir un lys posé sur le sol (comme dans d'autres panneaux). Cette fleur est un des signes distinctifs de Dominique dans l'iconographie, symbole de la pureté de sa vie :
14 - La fin prochaine. Un ange annonce sa fin prochaine à Dominique et lui remet la couronne de justice :
15 - La mort de Dominique. Dominique meurt le 6 août 1221 à Bologne. Le frère Guala, prieur de Brescia, vit s'ouvrir les cieux et des anges tenir deux échelles vers la vie éternelle :
Il y a une anecdote au sujet de ce plafond : lors de la Révolution les dominicains furent expulsés des lieux. Plus tard, après bien des péripéties, les jésuites prirent possession de l'endroit. Ne se sentant sans doute pas très concernés par la vie de Saint Dominique, il recouvrirent le tout d'un faux plafond de plâtre (vers 1860), puis quittèrent à leur tour les lieux. Le souvenir du plafond peint finit par se perdre, jusqu'à ce que vers la fin des années 1980 des héritiers du peintre Joseph Roques signalent l'existence d'un tableau, peint par ce dernier au début du 19ème siècle, où le plafond était représenté ! Les fils de l'histoire renoués, on dégagea à nouveau le plafond dont les peintures se révélèrent plutôt bien préservées. Un petit miracle, en somme ! Vrai ou pas, c'est en tout cas la version de l'histoire racontée par le Musée du Vieux Toulouse, où on peut voir le tableau en question :
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Dans les années 1950 les dominicains s'installèrent à Rangueil, en périphérie immédiate de Toulouse.
Ils y bâtirent un gigantesque couvent moderne avec des bâtiments de plus de 200 mètres de long, où le béton nu structure l'architecture de l'ensemble.
Pour l'occasion j'utiliserai quelques photos qui ne sont pas de moi (sauf les deux premières), mais en partage creative commons sur flickr.
Une fresque récente habille ce mur aveugle, en style street art... plutôt réussi je dirais !
Flickr photo pistolero31
Flickr photo pistolero31
L'église :
Flickr photo Charlotte Henard
La bibliothèque :
Flickr photo Charlotte Henard
Le réfectoire :
Flickr photo Charlotte Henard
Et un lien vers un intéressant (et court) reportage vidéo sur ce couvent : Les frères Dominicains de Toulouse ouvrent leur couvent au public
C'est là-dessus que se termine ce thème.
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