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SDRIF et Grand Pari(s) : 40 ans d’aménagement francilien en débat(s) Episode 5 : Sdrif, Grand Paris, Région Capitale – Paris à la croisée des chemins

Par Lupus (BeF), le 19/04/2010 à 11:45

SDRIF et Grand Pari(s) : 40 ans d’aménagement francilien en débat(s) -
Episode 5 : Sdrif, Grand Paris, Région Capitale – Paris à la croisée des chemins
L’article qui suit est une adaptation d’un mémoire de fin d’études en urbanisme et transports, intitulé « Accrocher le Bassin Parisien au Polycentrisme Francilien, Le cas du Faisceau Nord », et réalisé en septembre 2009 .
Ce mémoire avait pour objet l’amélioration des liaisons ferroviaires entre la Picardie et l’Ile de France. Il contenait des informations peu diffusables et des travaux appartenant à des entreprises de droit privé.
Sont visibles ici les parties portant sur les grandes étapes de l’aménagement moderne de l’Ile de France et sur le débat actuel autour de l’aménagement de la région.

Avant-propos

Après 40 ans de planification urbaine menée par les services de l’Etat, l’aménagement actuel de la région Ile-de-France fait aujourd’hui l’objet d’un lourd débat. Le SDRIF de 1994, toujours en vigueur, est remis en cause par la Région, qui a repris des mains de l’état les manettes de la planification. La révision du SDRIF, lancée en 2004, a fait l’objet d’une large consultation, et a abouti en 2007 sur un projet de nouveau SDRIF.
L’Etat, souhaitant défendre ses intérêts et sa vision de l’aménagement francilien, a lancé sa propre consultation en 2007, et prépare en ce moment ses propres mesures d’aménagement.
L’objet de cet article n’est pas de traiter ce débat sous l’angle des querelles politiques, pourtant prégnantes, mais plutôt d’en exposer les grandes lignes d’opposition, afin de faire émerger une vision structurée et lisible de ses enjeux pour l’aménagement de la région parisienne. Nous n’aborderons pas ou peu la gouvernance et les querelles partisane, pour préférer aborder les notions de polycentrismeS, de radioconcentrismeS, d’accessibilitéS, de mixitéS et de mobilitéS.
Les trois premiers épisodes traitaient successivement des trois grands schémas directeurs passés, qui ont peu a peu structuré la vision d’une région organisée en métropole polycentrique. Le quatrième épisode analysait les différents dossiers de la consultation multidisciplinaire du « Grand Pari(s) » sous le spectre de la morphologie et du fonctionnement métropolitain. Nous utiliserons ici les différents axes de débat dégagés pour analyser les différentes visions de la métropole que proposent les collectivités publiques.

La révision du SDRIF et le retour au centre

En 2004, la région Ile de France a lancé la révision de son schéma directeur (le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France, ou SDRIF). C’est la première fois que la région se charge de piloter un tel projet, la tâche étant précédemment remplie par les services de l’Etat. Le processus de révision a commencé par un bilan du précédent SDRIF (datant de 1994) qui a abouti en 2006.
En 2006 a commencé la phase d’élaboration d’un nouveau SDRIF, par l’émission de propositions de la part des 8 départements de la région, du Conseil Economique et Social régional, des Chambres de Commerce et d’Industrie, des Chambres d’Agriculture et des Chambres des Métiers et de l’Artisanat.
En février 2007, le Conseil Régional a « arrêté » un « projet de SDRIF ». Ce projet de SDRIF a fait l’objet de saisines des mêmes partenaires, ainsi que du ministre chargé de l’environnement, qui devaient rendre un avis. Le « projet » accompagné de l’ensemble des avis a fait ensuite l’objet d’un débat public s’adressant à tous les Franciliens.
Le « projet de SDRIF », corrigé en conséquence, a ensuite été « adopté » le 25 septembre 2008. Il doit depuis passer en Conseil d’Etat pour « approbation », avant de devenir le SDRIF officiel, opposable aux autres documents de planification dans la région. Il n’a toujours pas été approuvé, en raison d’un blocage imposé par le gouvernement, pour des raisons que nous étudierons plus tard.
Ce nouveau SDRIF est très différent des précédents. Différent dans le fond, comme nous le verrons plus loin, mais également différent dans la forme. En effet, la responsabilité directe du nouveau rédacteur envers les franciliens semble le conduire à beaucoup plus de prudence dans ses formulations, ce qui rend les orientations sans doute moins tranchées. Plus difficile à lire, le SDRIF est également moins lisible dans l’articulation de ses raisonnements, ce qui rend la tâche de le résumer plus périlleuse.
C’est donc avec prudence que la synthèse qui suit doit être abordée, car le besoin de se concentrer sur notre sujet, et donc sur l’organisation spatiale de la région, pousse à mettre de coté de nombreux pans du SDRIF, portant sur la politique sociale et économique à exercer sur l’agglomération. Enfin, le fait que le SDRIF a déjà subit des modifications et risque d’en subir de nouvelles, rend la synthèse provisoire. Nous précisons donc que nous avons travaillé à partir de la version adoptée par délibération du Conseil Régional le 25 septembre 2008.

Contexte externe

Dans le projet de SDRIF, le contexte francilien est présenté au moyen de « défis », desquels découlent des « objectifs », qui sont finalement les grands axes d’intervention de la politique régionale.
Parmi ces défis, deux familles semblent être distinguées. Les défis internes à la région, relatifs à la qualité de vie des habitants, sont les vrais moteurs de la politique d’aménagement, alors que les défis externes, eux, font plus figure de contrainte.
On retrouve ainsi la même opposition que dans le SDRIF de 1994, où la recherche d’un rayonnement international était gênée par la nécessaire limitation de la croissance francilienne. Mais ici, le jeu enjeux/contraintes semble inversé, et c’est l’équilibre social de l’agglomération qui constitue la première priorité.
L’Ile de France est présentée comme l’une des 4 « villes globales » de la planète, aux cotés de Tokyo, Londres et New York. Ce statut s’explique par la cohabitation entre un grand dynamisme économique, l’accueil d’organisations internationales et la position de capitale touristique.
Cela donne un rôle particulier à la région capitale, qui constitue ainsi le « moteur de la croissance française ». Elle ne doit pas se reposer sur ses acquis, et conforter une croissance trop faible : « La croissance de l’Île-de-France a été cependant moins soutenue que celles des principales métropoles américaines, européennes et asiatiques » (Page 25).
On note ici que l’évolution entre la limitation de la croissance voulue dans le SDAURP et le maintien de la place de Paris souhaité par le SDRIF de 1994 se poursuit. La région n’est plus le trou noir de l’activité française, mais son moteur.
? [C’est pourtant sur ce point que l’Etat critiquera le plus le projet de SDRIF, considérant les objectifs de croissance comme trop modestes.]
Autre évolution déjà remarquée, le rôle de l’aménagement régional dans la croissance de l’agglomération est également confirmé : « Les institutions européennes placent maintenant les villes et les régions au cœur des stratégies de compétitivité et de développement durable. L’Île-de-France contribue à ces stratégies (…)» (page 25).
On remarquera par contre un recul en ce qui concerne l’insertion de la région dans le Bassin Parisien. Alors qu’en 1994, le Bassin Parisien était le moyen de développer Paris sans le faire grossir, il n’est plus en 2007 qu’une zone impactée défavorablement par le développement parisien, avec laquelle il faudra gérer les problèmes : « Les effets de la métropolisation francilienne se font sentir au-delà des limites régionales » (page 25).

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Figure 81 : des relations régionales limitées à des nuisances

On pourra noter, parmi ces effets, l’allongement des migrations alternantes, le report des investissements franciliens sur le Bassin Parisien, l’urbanisation diffuse sur les franges franciliennes… « L’Île-de-France supporte des investissements et des nuisances pour des activités, infrastructures, équipements et services qui bénéficient aussi à d’autres régions. Elle génère et produit aussi des nuisances et des pollutions qui ont des effets sur ses voisins. » (page 25). Ainsi, une conférence des Présidents de Régions est créée pour traiter de ces problèmes.
? [Néanmoins, nous n’oublions pas de signaler que ce projet de SDRIF a fait l’objet d’une consultation des régions voisines, et qu’une politique d’aménagement interrégionale à l’échelle du Grand Bassin Parisien a depuis pris forme via le « G8 »]

Contexte interne et définition de 3 grands défis

« L’équité entre les territoires est l’axe majeur du SDRIF. » (page 7). Cette phrase résume finalement une grande partie des objectifs. Ce SDRIF est en effet marqué par deux grandes évolutions dans son élaboration :
La première, institutionnelle, semble évidente. De services administratifs déconcentrés et travaillant à l’intérêt de la nation, l’élaboration du SDRIF est passé entre les mains d’un organisme limité aux frontières de la région, et surtout responsable politiquement face aux franciliens. Cela conduit à un intérêt beaucoup plus fort pour les préoccupations quotidiennes des habitants de la région, et à une place moindre pour l’insertion de la région dans la politique nationale.
L’autre évolution, moins immédiate, est le fait que pour la première fois, le document est rédigé par une instance à tendance socio-démocrate, contrairement aux schémas précédents, toujours rédigés par des entités au service de gouvernements républicains. Cela se traduit par un retournement de la logique développement/redistribution. Alors que jusqu’à présent, le développement était une condition préalable à la redistribution des richesses, l’harmonie sociale est aujourd’hui présentée comme un point d’attractivité.
Ainsi, le projet de SDRIF vise «la robustesse, la qualité de vie et la cohésion régionales », et définit trois défis qui « correspondent à la fois aux enjeux de proximité et à ceux liés aux effets de la mondialisation et du changement climatique. » (page 8) :
«  favoriser l’égalité sociale et territoriale et améliorer la cohésion sociale » ;
« anticiper et répondre aux mutations ou crises majeures, liées notamment au changement climatique et au renchérissement des énergies fossiles » ;
« développer une Île-de-France dynamique maintenant son rayonnement mondial. » »
Le premier défi part du constat que l’Ile-de-France est « une des régions françaises les plus riches mais les plus contrastées socialement avec près d’un million de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté » (Page 29).
Or, comme on l’a dit, « Dans un contexte de mondialisation économique et de concurrence accrue entre métropoles, la cohésion sociale devient un enjeu fondamental et un facteur de rayonnement. » (Page 29)
Le rééquilibrage nécessaire n’est plus vu comme spatial par essence, mais essentiellement social. En effet, il ne s’agit plus seulement d’implanter des « centres d’envergure européenne » dans les banlieues défavorisées, mais de s’assurer que ces centres rayonneront suffisamment sur les espaces alentours pour que les populations démunies accèdent à une meilleure qualité de vie.
La réponse à ce défi passe par une construction massive de logements (60 000 par ans), pour résoudre les nombreux problèmes liés à la pénurie actuelle : renchérissement des loyers en cœur d’agglomération, ségrégation sociale, inadéquation des logements avec les besoins (augmentation du nombre de familles monoparentales, réduction du nombre de grandes familles…). De plus, en fluidifiant les parcours résidentiels, cet objectif contribue au rapprochement habitat-emploi et donc à la longueur des navettes domicile-travail.
Une grande part de cette construction doit être constituée de logements sociaux, et être localisée de manière à réduire les déséquilibres habitat/emploi, pour « harmoniser » les conditions de vie des franciliens.
Le deuxième défi est environnemental. Les deux schémas précédents prenaient ces problèmes essentiellement sous l’angle des nuisances : bruit, pollution locale de l’air, des terres et de l’eau. La problématique énergétique et atmosphérique a désormais pris la première place parmi ces préoccupations.
Il s’agit en effet de répondre non seulement aux défis présents (pression sur les ressources en eau, sur la diversité, imprégnation chimique des milieux), mais également aux défis futurs (crise de l’énergie et réchauffement climatique).
Ce deuxième point amène deux types d’action :
Le premier est préventif. Il s’agit de prendre sa part dans les objectifs du protocole de Kyoto de réduction des émissions de gaz à effets de serre par quatre d’ici 2050. Cette orientation va largement orienter la politique spatiale du projet de SDRIF, comme nous le verrons plus tard.
Le deuxième est correctif, ou presque. Il s’agit d’adapter la région aux mutations à venir.
Le troisième défi reprend certes l’objectif de développer une région dynamique économiquement, mais le fait en grande partie pour et par la qualité de vie des franciliens : « De plus en plus, la qualité de l’environnement urbain et la maîtrise des grands équilibres en termes de cohésion sociale, de déplacements et de respect de l’environnement seront au cœur de l’attractivité de Paris et de l’Île-de-France.» (page 41)
L’enjeu n’est plus de localiser efficacement l’activité économique, mais d’assurer l’attractivité de la région pour les investissements extérieurs. On n’est donc plus dans le développement purement exogène, ni dans le développement endogène, mais dans la concurrence des métropoles pour l’accueil des fonctions de production et de service.
Pour cela, le projet de SDRIF liste les « fondements de l’attractivité » en Ile de France : des infrastructures en transport collectif, la qualité de vie, l’intensité de la vie culturelle, l’efficacité des services publics et une concentration de capacités de recherche et d’innovation.
D’autre part, il cherche à stimuler les « dynamiques collectives, les capacités de développement du lien social, d’anticipation, la qualité des interactions entre acteurs et la circulation de l’information et des talents ». Pour cela, il faut « [prendre] appui sur l’attractivité de territoires qui sont des points d’ancrage de réseaux d’acteurs économiques et qui disposent d’une masse critique d’emplois et d’activités » et « accentuer le fonctionnement en système de l’économie régionale »(pages 57 et 59)
Ces territoires sont de deux types :
« des territoires où se concentrent des activités métropolitaines (quartiers d’affaires, carrefours d’échanges »
« des territoires d’excellence autour de projets innovants destinés à un accueil préférentiel d’unités de recherche, d’enseignement supérieur »
Plus particulièrement, c’est dans les secteurs de la création et de l’innovation que les plus grands efforts seront faits : « une organisation spatiale plus efficiente et plus lisible des grands sites universitaires et de recherche doit être recherchée. Il s’agit d’impulser une dynamique de clusters en favorisant le travail en réseau des acteurs concentrés sur un nombre limité de territoires dotés des infrastructures et des services adaptés. » (page 64)
? [On remarquera que la notion de cluster, fortement défendue par le projet de Grand Paris, est également présente dans le projet de SDRIF]
Les territoires d’excellence existant à l’Ouest seront confortés, mais c’est à l’Est que l’action sera la plus remarquable, en développant de grands pôles tertiaires au niveau des zones aéroportuaires, dans les zones en mutation (Seine-Amont et Saint-Denis) et en créant des pôles secondaires en proche couronne. En cela, la politique spatiale du projet de SDRIF est similaire à celle du SDRIF de 1994.
Mais, comme dit plus haut, cette nécessité de développement est plutôt décrit comme une contrainte : « L’ambition est bien de composer avec la métropolisation et la mondialisation, tout en limitant leurs effets négatifs potentiels, ségrégation, congestion, pollution, insécurité, coûts fonciers élevés, dégradations environnementales…). » (page 41)

Un retour au centre

Ces trois « défis » impactent largement l’aménagement spatial de la région : « une complète rupture en matière d’urbanisme pour une ville dense et économe en énergie. »

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Figure 82 : Un regain d’intérêt pour le centre

Cette rupture s’exprime essentiellement par un très fort regain d’intérêt pour le centre de l’agglomération et sa proche banlieue : « [La région] doit mieux s’organiser autour de son agglomération centrale, dont le cœur s’élargit » (page 149). Après 40 ans de planification vouée à assurer l’essor de centralités périphériques, le projet de SDRIF de 2007 cherche à conforter le centre dans sa position  dominant le reste de l’agglomération. Ce revirement trouve de nombreuses raisons.
Tout d’abord, les objectifs du protocole de Kyoto ont joué un rôle majeur : « Les principes de localisation de l’urbanisation nouvelle sont désormais fondés sur des objectifs de développement durable en vue de limiter les consommations énergétiques». (pages 7 et 8).
Parmi les défis qu’il s’était donnés, le projet de SDRIF a mis en avant la maîtrise des consommations d’énergie et d’émissions de gaz à effets de serre, y compris dans les transports. Pour cela, le SDRIF cherche à maîtriser la mobilité régionale en termes de distances parcourues et de modes de transports utilisés. Pour la première fois, les transports ne sont plus la conséquence du parti pris d’aménagement, mais sa raison d’être.
Le projet de SDRIF appelle donc à la construction de la « ville de la proximité », en opposition franche avec le parti pris du SDRIF de 1994 qui cherchait l’unification des marchés de l’emploi par l’accessibilité généralisée : « Participer aux efforts de réduction des GES en adoptant la ville de la proximité spatiale et temporelle (compacité, développement des transports collectifs) » (page 38)
Cette recherche de proximité passe naturellement par une meilleure répartition de l’emploi et des équipements dans la région ainsi que, comme on l’a vu, par une fluidification des parcours résidentiels, permettant à chacun de se loger près de son emploi. Mais l’autre outil de cette politique est la compacité de la ville, et sa densification autour de la zone la plus riche en emplois et en moyens de transport : le centre.
La volonté de mettre un arrêt à la consommation des espaces ouverts a également influencé ce choix du retour au centre. Ce point a un lien avec le précédent, en ce que la limitation de la surface de la ville a un impact sur les distances parcourues. Néanmoins, c’est aussi par respect pour les espaces ruraux alentours que le projet de SDRIF cherche à limiter l’étalement urbain.
Faire cohabiter à la fois la construction massive de logements et la limitation de l’étalement urbain suppose bien entendu de construire en espaces déjà urbanisé. Pour cela, les espaces désindustrialisés en mutation de la proche couronne (Boulogne, la Plaine de France, la Seine-Amont) repérés par le SDRIF de 1994 sont un terrain tout choisi, qui permet en plus d’agir pour l’équité territoriale tant recherchée : « On constate l’importance du potentiel foncier mutable, même si certains sites sont contraints et s’il est nécessaire de réorienter vers une mixité logements/activités des sites réservés à usage d’activités. » (page 152).
Ainsi, « Les défis importants à relever en matière de protection de l’environnement, de réduction de la consommation énergétique, tout en produisant un volume important de logements, obligent à maîtriser l’étalement urbain et à promouvoir une ville plus compacte et plus dense, économe en espace et en énergie ; les enjeux de cohésion sociale impliquent de donner plus d’atouts aux territoires défavorisés ; » (page 149)
Enfin, ce regain d’intérêt de la politique d’aménagement pour le centre de l’agglomération est aussi le reflet d’une attractivité retrouvée de la proche banlieue.
En effet, le projet de SDRIF « constate un renforcement du poids démographique de l’agglomération centrale, y compris à Paris (…). De même, on note un ralentissement du desserrement de l’activité et un recentrage de la construction de bureaux sur le cœur de l’agglomération » (page 152)
La structure même de ce cœur d’agglomération est en train de changer : « Il est en forte mutation. Les contrastes sociaux, urbains et économiques s’estompent entre Paris et d’autres centralités au-delà du périphérique. Même si le centre décisionnel métropolitain reste étroitement attaché à Paris-ouest et à La Défense, les fonctions nationales de capitale, les fonctions économiques supérieures et les fonctions de rang mondial en matière de recherche, de création ou de médias sont réparties sur un espace plus large et sur de multiples pôles en émergence plus ou moins spécialisés.»
Ainsi, pour ces trois raisons (maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, maîtrise de l’étalement urbain, accompagnement d’une mutation en marche) le projet de SDRIF reporte toute son attention sur le centre de l’agglomération élargit, quitte à rompre avec les rêves de polycentrisme affichés par le SDRIF de 1994.
« C’est un cœur d’agglomération élargi qui joue maintenant un rôle de centralité pour l’Île-de-France et d’entraînement pour l’économie nationale, en particulier vis-à-vis des régions voisines. » (Page 149)

Un centre multipolaire

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Figure 83 : Un centre multipolaire

Pourtant, le même projet de SDRIF considère que son action poursuit la recherche de polycentrisme : « La poursuite du polycentrisme, inscrit dans les schémas directeurs précédents, doit désormais se faire sous une forme plus compacte, au sein de bassins de vie mieux hiérarchisés autour des pôles urbains » (page 8). L’organisation d’un polycentrisme à petite échelle paraît cependant peut aisée, et c’est plutôt une organisation multipolaire (plusieurs pôles spécialisés dans des fonctions diverses) à l’échelle du cœur de l’agglomération que l’on entrevoit. Un centre plus grand, en quelque sorte.
Ce multipolarisme se perçoit du moins dans les orientations économiques. « Le principal axe de cette stratégie [territoriale d’accueil des activités économiques] est de valoriser, à partir du rayonnement parisien, les pôles économiques spécialisés où s’organisent les fonctions de grande métropole et d’en organiser la complémentarité en réseau » (page 41). En effet, « Outre Paris, qui conserve un rôle essentiel pour les dynamiques et l’attractivité régionales, le cœur d’agglomération comporte des centres urbains historiques et des pôles très nombreux qui sont autant de moteurs du dynamisme régional » (page 152)
Ces pôles sont les quartiers d’affaires, les carrefours d’échanges et les lieux d’innovation et de recherche. « [Ils] répondent à la propension qu’ont les entreprises à se regrouper pour bénéficier des effets d’agglomération. » Ils doivent être confortés par l’action publique, qui doit en favoriser la visibilité internationale, assurer leur développement et les desservir efficacement en transports collectifs.
Dans l’objectif d’équité social, le projet de SDRIF regrette que « ces pôles n’irriguent pas suffisamment leur bassin d’implantation et ne sont pas assez connectés à leur environnement proche, notamment par les transports. ». (page 42) Il s’agit donc de redonner une assise territoriale aux pôles en assurant à proximité les services annexes (accueil d’étudiants et de chercheurs, dispositifs de formation, services économiques connexes, incubateurs d’entreprises…), d’y favoriser la diversité sociale dans un objectif de cohésion, et de tendre vers une plus grande autonomie urbaine.
Enfin, « Le projet spatial favorise le fonctionnement en réseau de tous ces pôles (…) notamment par la réalisation d’infrastructures de transports collectifs. »

Des périphéries autonomes

L’attention est donc surtout portée sur le centre, élargi et conforté. Néanmoins, si la grande couronne fait surtout l’objet de mesures de protection de l’environnement, les villes nouvelles sont maintenues dans leur rôle.
En effet, le projet de SDRIF cherche à « favoriser un territoire régional permettant la mise en réseau des bassins de proximité et d’emploi ; la nouvelle politique de transport, en termes de services comme de nouvelles infrastructures tangentielles ainsi que les rééquilibrages en logements et activités en sont les instruments majeurs ».
Il s’agit donc d’articuler la région comme un réseau d’espaces autonomes, avec une concentration particulièrement dense au centre. Si on a parlé d’un retour du monocentrisme à l’échelle régionale, on peut dans le même temps évoquer un parachèvement du polycentrisme à l’échelle locale, par la prise d’autonomie des centres. Cela rompt, on l’a dit plus haut, avec la volonté de « région unifiée » exprimée par les schémas précédents.

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Figure 84 : Un aménagement polycentrique en bassins de proximité autonomes

Les villes nouvelles prennent une grosse part de ce fonctionnement : « elles ont encore à jouer un rôle majeur dans le développement régional et pour l’accueil de fonctions métropolitaines. ». Le projet de SDRIF salue les qualités de leur réalisation, qui a permit d’en faire de « véritables bassins de vie et d’emploi » et des « pôles d’équipements structurants ». Cependant, il regrette leur faible densité et leur manque d’urbanité. En particulier, leur aménagement tourné vers l’automobile est remis en question. (page 156)
D’autre part, les deux villes nouvelles qui ne sont pas rentrées dans le droit commun (Marne-la-Vallée et Sénart) doivent accueillir la part d’urbanisation et de logements qui ne peut pas être assurée par la densification de l’agglomération existante.
Les « trois M » (Mantes, Meaux et Melun « ont à renouveler leurs fonctions de centralité et leurs capacités de rayonnement pour tenir leur nouvelle place dans la métropole francilienne. Elles doivent également prévoir l’accueil de nouvelles activités pour affirmer leur rôle de pôle d’emplois. » (page 156)

Les transports

Pour une fois, le rapport entre transport et aménagement est renversé : ce ne sont plus les transports qui suivent la politique d’aménagement, mais l’aménagement qui se fait en fonction des transports. On l’a vu en effet, c’est par un souci de réduire les distances parcourues par les franciliens que le SDRIF cherche à la fois un polycentrisme en grande couronne et une ville dense en cœur d’agglomération. Cette orientation de l’aménagement en fonction des transports se voit aussi à plus petite échelle, où l’on cherche à  « Favoriser le développement des secteurs bien desservis » : « La capacité d’accueil des quartiers de gares et des secteurs les mieux desservis en transports collectifs devra être valorisée au maximum. » (page 156).
De plus, on l’a vu, le choix modal est également très tranché : « Cette nouvelle approche stratégique des transports accorde une primauté aux transports collectifs et aux modes alternatifs à la route » (page 71). Mais le projet de SDRIF concède que « l’organisation et le fonctionnement cohérent du réseau routier francilien restent un enjeu majeur de l’aménagement régional. Sa contribution à la vitalité économique de la métropole est essentielle. » (page 83)
Quoiqu’il en soit, le schéma de développement routier du projet de SDRIF est très limité, et se contente de résorber les points de congestion majeure. Il s’oppose a plusieurs projets anciens, et ne porte pas l’aménagement régional.
Au contraire, le système de transports collectifs est censé structurer le projet d’aménagement. Si les mesures se présentent essentiellement comme une liste de projets d’infrastructure, on peut dégager 5 échelles de transports collectifs.
L’échelle locale est la plus fournie. Elle consiste à desservir finement le territoire par des sites propre tram ou bus. Ce réseau est maillé, concerne l’ensemble de la périphérie, et permet un rabattement efficace sur les gares de transports collectif lourd. En zone centrale, il prend la forme de rocades en tramway, maillant les grandes radiales ferrées.

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Figure 85 : Un réseau de transports collectifs radioconcentrique et hiérarchisé

Au cœur de l’agglomération, une ligne de métro automatique en rocade, Arc-Express, est créée. Elle remplit plusieurs fonctions. La première fonction est d’assister la politique d’aménagement dans la densification de la proche couronne, en desservant les sites en mutation et les pôles économiques à conforter (On remarquera que c’est le seul point où les transports sont soumis aux orientations d’aménagement).
L’autre fonction est de soulager le réseau de transports collectifs de l’intramuros, en permettant aux déplacements interbanlieues de l’éviter et donc de ne pas saturer plus les lignes radiales. Pour cela, le réseau de métro existant devra être prolongé jusqu’à cette rocade. Le réseau de la partie centrale de l’agglomération sera donc radioconcentrique.

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Figure 86 : Vision de l'organisation de l'offre (supposée) par le SDRIF

A l’échelle régionale, dans l’agglomération, le réseau de RER et de Transilien existant sera restructuré : « une nouvelle organisation des services RER et Transilien dans l’agglomération centrale pour mieux répondre aux besoins de transport - plus de capacité, plus de fréquence, plus de fiabilité, plus de lisibilité (cadencement) » (page 80)
Afin d’atteindre ces objectifs, le SDRIF propose divers types de mesures :
mises en place de voies dédiées ou spécialisées par type de circulation
aménagement de gares, de retournements, de la signalisation...
nouveaux matériels roulants plus performants
De nouvelles dessertes sont néanmoins créées. Il s’agit du prolongement du RER E vers La Défense et Mantes-la-Jolie et de liaisons tangentielles.
Les liaisons tangentielles sont nettement moins nombreuses que celles du SDRIF de 1994. Elles n’ont d’ailleurs plus vraiment les mêmes fonctions. Les tangentielles du SDRIF de 1994 se voulaient être des liaisons régionales reliant les villes nouvelles et les aéroports, construites en partie sur des infrastructures nouvelles. Celles du projet de SDRIF sont pour la plupart des liaisons de rocade à vocation de desserte des territoires traversées et de maillage avec les grandes radiales, et ne rejoignant pas forcément de pôle majeurs. Ainsi, la tangentielle Nord prolongée contourne l’agglomération de Sartrouville à Massy en desservant de nombreux quartiers enclavés et croisant l’ensemble des lignes de RER. Quant aux tangentielles Ouest et Sud, elles sont réalisées sous forme de tram-train et ne desservent ni St-Quentin-en-Yvelines, ni Sénart, ni Melun. Enfin, la tangentielle Est est réalisée sous forme de bus en site propre entre Sénart, Torcy et Roissy.
A l’échelle régionale, en dehors de l’agglomération, ce même réseau de RER et de Transilien se voit attribuer d’autres caractéristiques : « rapidité, cadencement et confort ». L’objectif est d’ « offrir une meilleure qualité de service aux villes hors agglomération centrale par une desserte ferroviaire de type navettes express régionales, desservant bassins de vie et d’emplois et assurant le rabattement efficace (cadencement, rapidité et confort) sur les pôles structurants de l’agglomération central » (page 80)

La contribution des services déconcentrés de l’Etat

Pour mieux comprendre les enjeux de la réorganisation du réseau ferré régional évoquée dans le schéma, nous nous reportons aux différentes contributions à la révision du SDRIF, à commencer par celle de la Direction Régionale de l’Equipement d’Ile de France (DREIF). La contribution de la RATP ne sera pas traitée, car elle traite essentiellement de la rocade Arc-Express.
Dans sa « contribution au débat sur la révision du SDRIF », la DREIF a en effet défendu une vision claire et hiérarchisée du fonctionnement du réseau de transports en commun francilien.
La DREIF constate d’abord un fonctionnement de la métropole par « axes » : les six pôles « parisiens » majeurs (Paris La Défense, Paris 8e, Paris Nord, Paris Centre, Paris Centre Est, Paris Ouest) ont des « aires d’influence » (l’ensemble des communes qui leur envoient au moins 5% de leurs actifs) qui recouvrent toutes Paris Intramuros, mais s’étalent chacune dans une direction privilégiée différente.
D’autre part, la DREIF constate que l’élargissement de l’aire urbaine de Paris est moins dû à une influence plus grande du centre qu’à la redistribution des activités en faveur de pôles de grande couronne.
Ensuite, la DREIF analyse le fonctionnement des bassins au sein des franges de l’agglomération. Elle constate que les distances domicile-travail moyennes augmentent au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre du bassin d’emploi, mais que celles-ci sont grandes aussi au centre même lorsque celui-ci est équipé d’une gare. Certains bassins d’emplois présentent par ailleurs une certaine autonomie, comme Mantes la Jolie ou Trappes-Guyancourt, où 68% des déplacements tous motifs se font à l’intérieur du bassin. La DREIF voit d’un bon œil ce développement polycentrique de la région, pour la diminution des distances de déplacement et l’utilisation des capacités sous-exploitées de la contre-pointe, mais considère que pour être pleinement positif, ce développement doit être relayé par des infrastructures de transports en commun, afin de ne pas laisser à la seule voiture la prise en charge de ces déplacements.

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Figure 87 : Exemple de réorganisation de lignes RER
(Source: DREIF, « contribution au débat sur la révision du SDRIF »)


La DREIF en déduit une nouvelle structuration de l’offre en transports collectifs, mettant fin à l’organisation actuelle, issue d’une « sédimentation » des services héritée du passé et sans rapports avec les besoins actuels. Elle se fonde d’abord sur une approche différenciée entre la zone dense (l’unité urbaine) et l’aire urbaine.
En zone dense,  les déplacements régionaux sont assurés par les réseaux RER et Transilien restructurés en véritable métro régional. Les lignes sont limitées à l’intérieur de la zone dense et voient leur nombre de branches réduit. Les dessertes de rocade sont séparées des lignes radiales pour devenir des lignes à part entière. Les voies de circulation sont séparées de tout autre trafic, et permettent une desserte capacitaire, fréquente, rapide et omnibus.

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Figure 88 : illustration du réseau de transport en commun en zone dense (Source: DREIF, « contribution au débat sur la révision du SDRIF »)

En zone dense toujours, les déplacements locaux sont assurés par le réseau de métro éventuellement prolongé en moyenne banlieue, jusqu’à une ligne de rocade à créer, ainsi que par des lignes de tramway et de bus en site propre.
En dehors de la zone dense, les déplacements internes aux bassins de vie (y compris hors Ile-de-France) sont assurés par des lignes courtes, des « Navettes Express Régionales » n’entrant en zone dense que pour rejoindre un pôle structurant de grande couronne. De telles dessertes seraient assurées par un matériel similaire aux TER des régions voisines, permettant un confort et une qualité de service optimale..
Ces lignes seraient relayées par des lignes de rabattement en bus afin de réaliser un réseau maillé à l’échelle des bassins d’emploi
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Figure 89 : illustration du réseau de transport en commun en dehors de la zone dense (Source : DREIF, « contribution au débat sur la révision du SDRIF »)
Enfin, pour assurer des déplacements métropolitains entre pôles majeurs de l’agglomération, la DREIF préconise des dessertes plutôt orientées sur les motifs de type « affaires professionnelles, loisirs, achats » plutôt que du « domicile-travail ». Il s’agit de liaisons rapides et confortables, pour pouvoir accéder rapidement, et dans des conditions de confort proches de ce que offrir le TGV, aux équipements structurants de l’Ile-de-France, et en particulier aux aéroports. La politique tarifaire associée permettrait de distinguer ces services de ceux desservant les franges.

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Figure 90 : illustration du réseau de transport en commun du bassin parisien (Source : DREIF, « contribution au débat sur la révision du SDRIF »)

Pour faire face aux problèmes de saturation du système ferroviaire francilien, la DREIF considère qu’il faudra certes envisager de nouvelles infrastructures, mais également créer de nouveaux points d’arrêt TGV traversant en Ile-de-France et faciliter l’utilisation des gares parisiennes non saturées (Austerlitz, Vaugirard, Bercy).

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Figure 91 : Vision de l'organisation de l'offre par la DREIF

? [On remarquera que cette proposition est très proche de ce que le Groupe Descartes a proposé à plus petite échelle]

La contribution de RFF

Dans sa « Première Contribution » à la Révision du SDRIF, RFF adopte une vision assez proche de celle de la DREIF en apparence, mais néanmoins substantiellement différente sur certains points.
Il appelle en effet à la constitution d’un réseau de type « métro régional » à partir du système ferroviaire existant, en distinguant lui aussi la « la zone urbaine dense caractérisée par un service interconnecté de type omnibus, fréquent et capacitaire », et « la grande couronne caractérisée par des services rapides et confortables complétés par des navettes de rabattement sur des pôles structurant ». Cette réorganisation suppose de « limiter le nombre de branches de chaque ligne » de RER et de « mettre autant que possible les circulations du RER de la zone dense sur voies ‘spécialisées’ ».

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Figure 92 : Proposition d'organisation du réseau "régional" par RFF (Source : 1ere contribution de RFF à la révisions du SDRIF)

Néanmoins, nous noterons que la destination terminale des lignes de grande couronne n’est pas réellement limitée au premier pôle urbain rencontré, et que cette desserte est définie comme « rapide », alors que la DREIF réserve la vitesse aux déplacements professionnels et de loisirs. Nous remarquerons enfin que la description en schéma de l’organisation souhaitée est fondée sur la structure actuelle du réseau (RER interconnectés contre Transiliens purement radiaux) plutôt que sur les zones desservies (zone dense contre bassins de vie des franges).
Pour le reste, RFF appelle à profiter de la mise en service de la Nouvelle Automotrice Transilien pour homogénéiser le matériel roulant de chaque ligne, et ainsi exploiter au mieux les possibilités du matériel et lui adapter l’infrastructure (hauteur des quais, alimentation électrique, signalisation ». RFF propose aussi de réaliser certaines dessertes de rabattement depuis la Grande Couronne sur le réseau régional par des lignes de tram-train allant au plus près des centres à desservir. 

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Figure 93 : Vision de l'organisation de l'offre par la SNCF (et RFF?)

Les liaisons tangentielles de RFF ne sont plus des dessertes pôle à pôle et privilégient plutôt le maillage du réseau, pour prendre en compte la diversité des demandes de déplacement, et cherchent à réduire les ruptures de charge en organisant des correspondances efficaces. Ces liaisons devront éviter autant que possible de créer tout nouveau lien entre les grilles horaires de deux radiales, afin d’assurer la robustesse de l’exploitation.
En particulier, RFF propose de prolonger la Tangentielle Nord à l’Est et au Sud pour en faire un élément structurant du système ferroviaire. Elle rempli à la fois les fonctions de maillage du réseau et de desserte de zones peu accessible et disponibles à la densification.

La contribution de la SNCF

Dans sa propre « première contribution » à la révision du SDRIF, la SNCF développe un principe lui aussi légèrement différent de celui de la DREIF.
« pour les lignes traversantes (desservant deux points symétriques en frange de petite/moyenne couronne) : priorité à la fréquence, à la capacité et à une desserte omnibus »
« pour les lignes directes ou semi-directes desservant la grande couronne : priorité au temps de parcours et au confort »
Le principe de desserte est détaillé dans le schéma suivant :
La SNCF renonce ainsi au prolongement systématique des lignes RER jusqu’aux confins de la grande couronne, et adopte l’objectif de réduire le nombre de branches. On remarquer que le principe d’une desserte de la grande couronne francilienne fait comme avec la DREIF l’objet de missions omnibus s’arrêtant sur un pôle structurant en marges de la zone dense. Néanmoins, des missions semi-directes sont mises en places avec terminus dans Paris sans précision sur leur tarification.
D’autre part, la SNCF consacre une partie de sa « 1ere contribution » au renforcement des échanges entres les différents pôles d’attraction du Bassin Parisien. Elle fixe trois objectifs :
Il faut « Faciliter les accès directs et cadencés à l’Ile-de-France », en effectuant d’importantes opérations de désaturation.
Il faut « Diversifier les accès aux pôles d’attraction de l’Ile-de-France », en particulier ceux de grande couronne (villes nouvelles, Massy-Saclay, Seine-Aval et Roissy) – les pôles d’attraction de petite couronne étant aisément accessibles à partir des gares terminus de Paris. Il s’agit notamment de mieux articuler les offres de transports (Transiliens, TER et trains interrégionaux) et de proposer une politique cohérente d’arrêts des différents types de trains dans les nœuds de correspondance à la périphérie de l’Ile-de-France
Il faut « Adapter et harmoniser les services à l’échelle du Bassin Parisien », par l’harmonisation tarifaire à l’échelle du Bassin Parisien, et la généralisation de la télébilletique du type « Navigo » sur l’ensemble des liaisons en correspondance avec le PTU francilien..
D’autre part, la SNCF prend acte du développement des déplacements pour motifs « privé » (hors domicile-travail et domicile-étude) et de leur impact sur le développement des trajets en contre-pointe et en heures creuses. Enfin, la SNCF appelle à la création d’une rocade en moyenne couronne en prolongement de la Tangentielle Nord, et de la poursuite des réflexions sur les tangentielles de Grande Couronne : Tangentielles Ouest, Sud et Est.*

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Figure 94 : Schéma des nouveaux principales de dessertes proposés par la SNCF (Source : 1ere Contribution de la SNCF à la révision du SDRIF)

Les propositions du club des DRE du Grand Bassin Parisien

Le « Club des Directions Régionales de l’Equipement du Bassin Parisien », dans son rapport « L’évolution de l’organisation des flux de personnes dans le Bassin Parisien », paru en 2008 cherche à voir comment le réseau de transports ferroviaires peut contribuer au développement économique des grandes villes du bassin parisien.

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Figure 95 : Vision des dessertes interurbaines pour le Club des DRE du Bassin Parisien

En effet, partant de l’hypothèse selon laquelle le Bassin parisien doit améliorer ses liaisons vers le reste de la France et de l’Europe pour capter des opportunités de développement économique, le Club des DRE cherche des possibilités de relier directement les grandes villes du Bassin Parisien aux aéroports franciliens et au réseau LGV.
Le Club des DRE constate qu’à plusieurs reprises, les LGV ont ignoré, dans leur tracé, les grandes villes du Bassin Parisien : Troyes est à l’écart de la LGV Sud-est, Orléans de la LGV Atlantique et Amiens de la LGV Nord. Aucun projet de LGV Normandie n’était encore envisagé à la rédaction du rapport, et seuls Reims, Tours et Le Mans étaient desservies par la grande vitesse.
Pourtant, un accès au réseau LGV permettrait à la fois d’être relié efficacement à toutes les villes françaises et étrangères desservies par le TGV français et d’avoir un accès direct et rapide à l’aéroport de Roissy, voire d’Orly si une gare y était construite dans le cadre du projet de ligne d’interconnexion Sud.
La stratégie prônée par le Club des DRE s’appuie donc largement sur la rocade LGV francilienne. Il s’agit de profiter de la réalisation de la LGV d’interconnexion Sud pour connecter la ligne d’Orléans à la rocade, de réaliser la liaison Creil-Roissy pour y connecter Amiens, et de connecter les villes normandes à la rocade via la ligne Paris-Mantes-Rive-Droite et la Grande Ceinture Fret jusqu’à Stains ou, à plus long terme, via une LGV d’interconnexion Nord.
Le Bassin Parisien pourrait ainsi profiter de la saturation croissante des gares parisiennes et de leurs accès, par le développement de trains desservant l’agglomération parisienne par ses gares d’interconnexion (Massy, Marne-la-Vallée, Roissy et d’autres à construire). De tels trains devraient ensuite avoir un terminus technique en dehors de la ligne d’interconnexion, terminus qui pourrait se situer dans une grande ville du Bassin Parisien.
Cela permettrait à la fois de :
réaliser des liaisons directes entre les grandes villes du Bassin Parisien et les métropoles régionales françaises
proposer un accès direct aux aéroports de Roissy et d’Orly aux voyageurs du Bassin Parisien
multiplier les liaisons possibles, y compris entre villes du Bassin Parisien, via une correspondance bien conçue dans une des gares franciliennes d’interconnexion.
Au sujet de l’accessibilité des franges franciliennes à l’agglomération parisienne, le même rapport du club des DRE reprend le principe décrit par la DREIF dans sa « 1ere contribution à la révision du SDRIF » que l’on a vu plus haut.
Francis Beaucire traite également de ce sujet dans son intervention au séminaire « Le Bassin Parisien : Un espace métropolitain ? » du 27 Avril 2009 à l’IAURIF. Il constate une rupture entre le schéma des lignes ferroviaires à grande vitesse et celui des lignes classiques.
En effet, avec le « système TGV », les trains continuent à traverser l’Ile de France pour toutes les liaisons nationales. Pour autant, les trains ne s’arrêtent plus à Paris, et « sautent » le bassin parisien. Seules les gares installées sur la ligne d’interconnexion sont desservies.
Quant aux trains qui desservent Paris depuis les grandes villes de province, ils évitent les grandes villes du Bassin Parisien, qui se trouvent ainsi aussi éloignées du centre que des grandes villes plus lointaines (Lille, Metz, Bordeaux, Lyon…).
Ces deux constatations tendraient à faire « disparaitre » le bassin parisien de l’aménagement national.
Au sujet des relations avec Paris, Francis Beaucire parle de « séparatisme ». Il regrette que les trains du Bassin Parisien ne s’arrêtent pas dans les pôles économiques périphériques à l’Ile de France traversés, obligeant les usagers à un rebroussement une fois arrivée en gare terminale à Paris. Mais ce qu’il craint, c’est qu’aujourd’hui, la solution à la saturation observée sur les radiales francilienne soit celle proposée par la DREIF, soit une rupture de charge aux portes du Bassin Parisien : les liaisons interrégionales s’arrêteraient aux portes du système « Transilien », contraignant les usagers à changer de train et à utiliser un omnibus pour atteindre le centre de l’agglomération.

Les travaux du secrétaire d’Etat chargé du développement de la région-capitale

La région a donc une volonté de réorienter l’aménagement de la région Ile-de-France selon ses propres priorités. La démarche est bien entamée.
Cependant, on l’a vu, le Président de la République a jugé que l’Etat devait conserver un droit de regard sur l’aménagement de sa capitale, et a commencé à développer son propre plan d’aménagement de la région.
Le 18 Mars 2008, Christian Blanc est nommé secrétaire d’Etat chargé du développement de la région capitale. Sa lettre mission, datée du 7 Mai et signée par Nicolas Sarkozy, le charge de réfléchir à la stratégie à mettre en œuvre pour que la métropole francilienne puisse garder son rang parmi les villes globales que compte le monde, avec pour « objectifs indissociables la croissance et la cohésion de la région capitale ». Il doit pour cela « poser les fondations d’une croissance durable de la métropole parisienne ; les fondements économiques, avec l’organisation d’un espace propice à la création et à l’innovation, avec des infrastructures de transport nécessaires à la desserte interne et externe du bassin parisien, avec la mise en place d’une stratégie d’attractivité globale de la région capitale ; les fondements démographiques, avec l’organisation d’une offre de logements renforcée et d’une qualité de vie nouvelle, en mettant en cohérence la carte de l’habitat, des lieux de travail, des lieux de loisir et des transports. »
Le 17 Mars 2009, lors du débat public « Le grand Pari(s) – à la recherche de nouveaux équilibres » organisé par la Cité de l’Architecture et du Patrimoine au Théâtre de Chaillot, Christian Blanc a commencé à dévoiler sa vision de l’économie francilienne. Elle se structure autour de 7 à 8 « territoires à haut potentiel » : pôles de recherche et d’innovation, centres d’affaires, aéroports et gares TGV... Il s’agit du plateau de Saclay, d’Orly-Rungis, de Roissy-Villepinte, de La Défense, de Plaine Commune à Saint-Denis, de la Cité Descartes à Noisy-le-Grand, et de l’axe Villejuif-Evry.  Ces différents pôles seraient reliés efficacement par un métro automatique entièrement souterrain de 130 km.
Enfin, le 30 Avril 2009, lors de l’inauguration de l’exposition « Le Grand Pari(s) » (qui présente les résultats de la consultation précitée) à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Nicolas Sarkozy a présenté son plan pour le Grand Paris, largement inspiré des travaux du Secrétariat d’Etat.
Aux 7 pôles précités, le président de la République a ajouté un grand port multimodal à Achères, à la confluence entre la Seine et le Canal Seine-Nord. Le projet de métro automatique a peu à peu été décrit : une vitesse commerciale de 80 km/h, une trentaine de stations, 130 km de long, des passages aériens dès que possible...
Le 27 Août 2009, un projet de loi « Grand Paris » a été diffusé. Il concerne essentiellement les dispositions législatives pour réaliser la nouvelle infrastructure de transports en commun : modification de la procédure de débat public, substitution aux schémas d’urbanisme, droit de préemption autour de gares, etc… Nous n’entrerons pas dans le détail de ces dispositions, encore très polémiques et surtout éloignées de notre sujet.
Nous noterons néanmoins que le projet de « Grand Paris » est décrit comme devant répondre à trois exigences :
Répondre aux besoins actuels des franciliens et des habitants des régions limitrophes
Répondre aux défis futurs : économiques, sociaux et environnementaux
Permettre, par effet d’entrainement, le développement économique et social du territoire national
La loi précise que le projet prendra en compte l’existant et mettra en valeur un urbanisme de projet.

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Figure 96 : Schéma de principe du nouveau réseau de transport de Paris Région Capitale

Pour autant, avec les cartes dont nous disposons, qui se contredisent en partie (deux mois les séparent), nous pouvons déjà esquisser quelques éléments de comparaison avec le SDRIF.
En termes économiques, le secrétariat d’Etat laisse une grande part au « clusters », zones réunissant sur un petit espace des entreprises, des centres de recherche et des établissements d’enseignement supérieur. Ces « clusters » sont censés favoriser « l’écosystème de la croissance » cher à Christian Blanc, en permettant l’éclosion d’innovations et leur exploitation économique, sous le modèle de la Sylicon Valley.
Les clusters sont également présents dans le projet de SDRIF, mais ils prennent ici une place prédominante, puisque c’est eux qui déterminent le tracé général du schéma de transport qui doit tous les relier entre eux ainsi qu’aux grandes portes d’entrée de la capitale (gare TGV et aéroports).
En termes de transport justement, le secrétariat d’Etat défend une rocade de métro automatique en moyenne couronne, autour des gares de laquelle les quartiers seront densifiés par l’Etat. Une partie du tracé de cette rocade semble compatible avec Arc-Express, à l’exception du Nord-est, où la rocade s’éloigne pour desservir le secteur enclavé et hautement symbolique de Clichy-Montfermeil et pour desservir le cluster économique de la Cité-Descartes. On notera toutefois que la vitesse commerciale (80km/h) et l’interstation (3 à 4 km) envisagées ne sont pas compatibles avec Arc-Express.
Ainsi, en reprenant la typologie faite par Marc Wiel dans son article « Grand Paris : Qui sont les nouveaux professionnels de l’illusionnisme », on peut dire qu’Arc-Express remplie des fonctions de desserte de la banlieue et d’évitement du réseau de transports de l’intramuros, alors que la rocade du Grand Paris remplie des fonctions d’évitement du réseau de transport de l’intramuros et de connexion directe des pôles économiques entre eux. Marc Wiel conteste cette vision dans l’article, considérant que de telles liaisons directes ne génèrent pas de flux suffisant pour justifier une telle infrastructure, et qu’une telle infrastructure rapide et accessible à tous risque d’aggraver encore les problèmes de ségrégation spatiale de l’agglomération.
Le réseau de transport du Grand Paris est complété par une ligne rapide reliant l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaule à l’aéroport d’Orly en passant par les pôles économiques de St Denis, La Défense et Saclay. On peut constater l’importance donnée au développement économique et aux clusters par l’Etat, qui est prêt à consacrer une infrastructure entière à leur seule liaison vers les grandes portes d’entrée de l’Ile de France. Le réseau obtenu ainsi ressemble en partie au « Réseau Express Métropolitain » proposé par l’équipe de Roland Castro.
Enfin, le projet du secrétariat d’Etat semble donner la part belle à l’amélioration du réseau de RER et sa connexion avec la nouvelle rocade. Avec l’ensemble de ces connexions, le réseau ressemble beaucoup au réseau proposé par l’équipe de Jean Nouvel.

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Figure 97 : Schéma de principe du nouveau réseau de transport de Paris région capitale (Source : Secrétariat d’Etat au Développement de la Région Capitale)

Conclusions

Le mémoire d’où est tiré notre série d’articles a été rédigé en Septembre 2009. Six mois ont passé depuis, des élections régionales ont eu lieu, reconduisant l’équipe en place à la tête de la région. Le fond du débat a apparemment peu évolué.
Si secrétariat d’Etat et région semblent plus en accord qu’ils ne veulent l’avouer sur la clef du développement économique (articulation de territoires d’innovation technologique et artistique complémentaires autour d’une système de transports collectifs efficaces), il reste toutefois de grandes discordances au sujet de l’organisation morphologique de la métropole.
Le SDRIF semble plaider pour une région relativement homogène, perméable, qui ne peut se traverser qu’à vitesse modérée, mais en toutes directions. Cette région, organisée en bassins de proximités autour du centre, des villes nouvelles et des bourgs, voit sa hiérarchie clairement dominée par un centre élargi à sa banlieue.
Le projet du secrétariat d’Etat semble pour sa part plaider pour l’organisation de la région en un chapelet de centres. L’émergence de ces centres est favorisée par un accès totalement égalitaire aux grandes portes d’entrée de la région (aéroports, gares TGV) via le réseau de métro automatique. Cet accès égalitaire nécessite une grande vitesse qui ne s’accommode pas de la desserte des territoires traversés, et rompt ainsi l’objectif d’homogénéité porté par le SDRIF. Cette grande vitesse, si elle est accessible à tous, comme le laisse entendre le Président de la République dans son interview de Mars 2010 au mensuel « l’Architecture d’Aujourd’hui », est incompatible avec l’objectif de proximité habitat-emploi défendu par la région, et favorise plutôt l’organisation de la métropole comme un immense marché du logement (« l’unité de la région » défendue par les schémas précédents) qui peut conduire à la spécialisation sociale des territoires.
Ainsi, s’il m’est permis de donner mon avis ici, j’indiquerait qu’un compromis est sans doute possible entre les deux visions. Ce compromis s’établirait sur une infrastructure de transports où cohabiteraient dessertes express, ne desservant que les pôles majeurs, et dessertes omnibus, desservant la région de façon homogène. Les dessertes express pourraient être tarifées aux heures de pointe de façon à décourager les déplacements domicile-travail, à la façon d’un « TGV métropolitain ». Enfin, la structuration des autres centres périphériques (St Quentin en Yvelines, Cergy-Pontoise, Evry, Sénart) pourrait se faire via le bouclement de la rocade TGV d’interconnexion et la construction de nouvelles gares TGV au sein des villes nouvelles.

Bibliographie

RATP, Bilan et Révision du SDRIF, Synthèse des propositions de la RATP,  1er avril 2005
SNCF. Révision du Schéma Directeur de la Région Ile de France, première contribution de la SNCF. 2005
RFF. Révision du Schéma Directeur de la Région Ile de France, première contribution de Réseau Ferré de France. Janvier 2006
DREIF. Les déplacements en Ile-de-France 12 propositions de la DREIF. Octobre 2006. http://www.ile-de-france.equipement.gou … rticle=989
Schéma Directeur de la Région Ile de France. Paris, Septembre 2008. http://www.sdrif.com/
Club des DRE Du bassin parisien. L’Evolution de l’organisation des flux de personnes dans le Bassin Parisien. 2008. http://www.datar.gouv.fr/IMG/Fichiers/K … P_2008.pdf
Projet de loi « Grand Paris ».
27 Août 2009
WIEL, Marc. Grand Paris : Qui sont les nouveaux professionnels de l’illusionisme, 29 Mai 2009. Publié sur le site d’Urba+ http://www.urbaplus.org/IMG/pdf/Grand_P … ai2009.pdf
BLANC, Christian. Discours de clôture au débat public « Le grand Pari(s) – à la recherche de nouveaux équilibres ». Théâtre de Chaillot, 17 Mars 2009. http://www.legrandparis.culture.gouv.fr/




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