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Lecture critique de 'Iconic Building' de Charles Jenks

Par J.-P. H., le 15/06/2007 à 16:42


Charles Jencks, architecte, paysagiste, et avant tout historien et théoricien de l’architecture, est l’auteur des connus What is Postmodernism (1987) et  Postmodernism, the New Classicism in Art and Architecture. Iconic Building (2005) constitue sa dernière référence en date.

Pourquoi aborder, ici, deux ans après sa publication un tel ouvrage? La rencontre d’une critique et d’un questionnement en est la cause. L’émergence du vocable « iconique » est de toute part remarquable. Tous les projets architecturaux sont autant « d’objets iconiques » répondant aux attentes d’audaces architecturales et de visibilité exprimées par les maîtres d’ouvrage. C’est alors que la quête de l’événement (formel) domine sinon encrasse la production.

Architecture iconique à connotation religieuse

En théoricien de l’architecture, Jencks définit un type (iconique) d’architecture qu’il associe à un genre (un style). En historien, il recontextualise sa pensée en une chronologie réduite : chrétienne, occidentale et capitaliste. Il dénonce ainsi le désenchantement de notre époque où « la disparition progressive de la foi trouve pour réponse l’inflation symbolique du bâti ». Nous sommes alors dans la  post-chrétienté.

De fait, le vocable usité d’icône revêt une connotation religieuse. L’architecture est réduite énigmatiquement à une image et en appelle de fait à l’imagination. Jencks joue alors à l’enfant qui dans les nuages reconnaît un éléphant, une voiture, Swiss Re de devenir une fusée, à moins que tout cela ne soit l’exercice psychanalytique des tâches d’encre...

D’images en imagination, Jencks propose une étude, encore prématurée à l’heure de l’écriture, du récent projet du World Trade Center. Le site y est perçu comme un espace d’imagination… et pourquoi ne dirions-nous pas d’hallucination ? Elle est selon Freud une manière de transformer une angoisse en quelque chose de spectaculaire, et cette angoisse ne serait sous la plume de Jenks que liée à la disparition des croyances… tout se tient.

Au sein d’une société post-chrétienne, de surcroît capitaliste, le bâti devient un signe. Commercialement, un logo. L’architecture, une icône.

Une architecture en nécessaire quête de sens

Jencks introduit alors des architectes qu’il prend plaisir à interviewer. Gehry, l’iconic architect par excellence, Alsop, Liebeskind, Foster, évoque Hadid et Calatrava… le star système de l’architecture… et comment ne pourraient-ils pas faire cette architecture médiatique, qui, réduite de la sorte, n’en devient plus seulement qu’image ou icône ?

C’est en conséquence un genre nouveau d’architecture qui émerge, associant symbolique et sculpture. Rappelons la principale critique du Greco à l’encontre de Michel-Ange qui, selon lui, ne faisait pas proprement de la peinture, mais dessinait des groupes statuaires. Les architectes ne produiraient donc pas des images, mais des sculptures, une statuaire de l’informe dans laquelle la nécessité de donner un sens se fait naissante.

Du religieux au fétichisme, du sens au spectacle

C’est ainsi que l’iconic-building tourne en rond. Si au postmodernisme l’on associe son excès de sens, le supermodernisme actuel faisant de l’architecture un médium vide, l’iconic-building serait conçu comme « l’alternative à l’insignifiance environnante »[1].

L’exutoire que constitue ces potentielles architectures signifiantes dans une société désenchantée n’occasionne-t-il donc pas les réminiscences d’un certain totémisme, ou mieux, d’un fétichisme ? L’adoration d’un objet dont le culte est parfois d’ordre religieux, mais également sexuel - et Jencks n’évoque-t-il pas la phalloïde fosterienne de Swiss Re ou la sensualité du Bullring à Birmingham ?… - mais aussi dans un contexte capitaliste où le « fétichisme de la marchandise » marxiste pourrait avoir quelques échos. Repris par Debord dans sa Société du Spectacle, évoquons les atours de l’architecture (iconique) outre-manche présentée comme « dramatic », spectaculaire…

C’est ainsi qu’en lieu d’iconicité, réduite parfois rapidement à la métaphore par Jencks, il eut fallu souligner les processus d’appropriation, de représentation, d’instrumentalisation de l’architecture en tant qu’image ou par l’image, et invoquer un fétichisme architectural relayant la passion monumentale du XIXe siècle…

Mon questionnement ne trouva alors que peu de réponses en cet essai.


[1] Hans Ibelings, Supermodernisme, l’architecture à l’ère de la globalisation.

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